Villes biotech : les villes du futur branchées à la nature

La vie urbaine de demain sera biotechnologique ou ne sera pas. Est-il possible que le petit jardin d’une maison puisse fournir de l’électricité ? Ou qu’un terrain de football soit énergétiquement autonome ? Ou que la végétation des parcs urbains alimente l’éclairage public ? Et même : les forêts pourraient-elles fournir l’énergie de toute une ville ? La réponse est oui !

La technologie existe déjà et, bien qu’encore à petite échelle, ça marche. Face aux effets du changement climatique et aux défis imposés par la crise d’un modèle économique et social qu’il n’est plus possible de maintenir sans épuiser les ressources de la planète, une nouvelle vague d’innovation émerge dans les villes, où l’on estime que d’ici 70 % de la population mondiale vivra d’ici l’année 2050. La biotechnologie les réinvente et les redessine, ouvrant une voie à peine explorée. Nous assistons au début d’une révolution qui sera déterminante pour parvenir à un urbanisme durable.

Une startup barcelonaise est déterminée à mener ce changement transcendantal des environnements urbains à travers la création des premières villes biotechnologiques au monde, où l’électricité est obtenue à partir de l’environnement naturel. La technologie de Bioo permet de générer de l’énergie pour alimenter des points lumineux dans des espaces verts grâce à des batteries biologiques situées sous terre, sans altérer ni détériorer l’environnement. Fondée en 2015 par Pablo Vidarte, un entrepreneur sévillan qui n’a pas encore 30 ans, elle a été récompensée par le Parlement européen comme l’une des entreprises les plus innovantes d’Europe et par Google comme la plus disruptive au monde. La NASA ne la quitte pas des yeux et lors du dernier Mobile World Congress son stand était l’un de ceux qui ont suscité le plus d’engouement.

Terre, micro-organismes, électrons, courant

Tout le monde se demandait : comment les batteries biologiques de Bioo obtiennent-elles de l’électricité à partir de la nature ? Elles y parviennent grâce à un processus qui tire parti des substances organiques présentes dans le sol (et que l’irrigation ou la pluie entraînent dans la batterie) et sont ensuite décomposées avec des micro-organismes capables de créer des électrons libres et de générer un courant électrique que la batterie recueille elle-même.

Ce n’est pas un concept totalement nouveau. Ce mécanisme est connu depuis les années 70, mais il ne fonctionnait pas à l’extérieur jusqu’alors mais uniquement dans des environnements contrôlés. Bioo a réalisé l’habitat idéal. Comme l’a dit Vidarte, une sorte « d’hôtel parfait » pour les micro-organismes les plus appropriés pour leurs batteries bio. Il suffit que le sol se maintiennent arrosé.

Les plantes, interrupteurs biologiques

Sur le marché depuis fin 2022, l’activité de Bioo réside, pour l’instant, sur trois produits.

Le Bio Panel, pour parcs ou bâtiments, capable de fournir six points lumineux sur 7×7 mètres et d’économiser jusqu’à 50 % d’eau (en évitant son évaporation), de réduire les émissions de CO2 et d’abaisser la température jusqu’à 4 degrés sur les surfaces de 600 mètres carrés. Tout cela générant de l’énergie en permanence, jour et nuit.

Le Bio Switch, quant à lui, est une pure démocratisation de la domotique : il transforme des plantes vivantes en interrupteurs biologiques qui activent des lumières, des écrans, du son ou de la musique lorsque quelqu’un les touche (cela n’arrive pas avec la pluie ou le vent) et la plante perçoit les variations de fréquences qu’elle convertit en voltage.

La lampe Bioo Lux, qui s’allume au toucher, est l’une des applications de cette technologie. Un autre, dans ce cas destiné au secteur de l’agrotech, est Bioo Sensor, le premier capteur durable pour l’agriculture de précision, un dispositif testé avec Crop Science, la division agricole de Bayer, qui est alimenté à partir du sol et évite l’utilisation de batteries chimiques ou panneaux solaires.

Les clients intéressés par les « installations vivantes » de Bioo se multiplient. Mairies, entreprises, architectes et ingénieurs intègrent leurs biotechnologies dans leurs projets. Bioo a participé à l’Eden Project, une installation à Cornwall (Royaume-Uni) qui recrée une biosphère unique isolée dans des jungles à l’intérieur de dômes de verre et qui a ses systèmes d’activation pour les lumières, les sons et les écrans :

Dans la Silicon Valley, ils développent la première bibliothèque vivante : un espace avec des plantes qui « stockent » des messages de lumière qui se reproduisent dans un murmure lorsqu’on les touche avec la main. Et son système hybride de recharge de téléphone portable, branché au sol d’une usine, est déjà utilisé au siège de Sanitas :

 

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Des « Lampes végétales » dans la jungle péruvienne

Dans cette révolution biotechnologique, il y a plus d’initiatives d’éclairage autonome. Des chercheurs de l’Université d’ingénierie et de technologie (UTEC) de Lima (Pérou) ont également mis au point une technique pour capter l’électricité émise par les plantes et générer de l’énergie propre avec des ampoules LED.

ces « lampes végétales » ont servi à éclairer la communauté indigène de Nuevo Saposoa, composée de 37 familles qui vivent dans une zone isolée, sans électricité (plus de 40 % des zones rurales de la jungle péruvienne en sont dépourvues). Pour cela, ils ont choisi des plantes indigènes résistantes, de taille gérable et surtout à racines bulbaires, rhizomes ou similaires. La nature était le problème et elle est devenue la solution.

Lumière vivante dans un parc hollandais

C’est la même base scientifique que le projet Living Light : une lampe qui utilise des micro-organismes végétaux pour convertir l’énergie qu’une plante produit naturellement pendant le cycle de photosynthèse en courant électrique. Un appareil 100 % autonome, sans prise. Créée par la designer néerlandaise Ermi van Oers, sa société, Nova Innova, a déjà introduit cette biotechnologie dans un espace public comme le Het Park van Morgen à Rotterdam. « Le potentiel est énorme, l’éclairage public pourrait être connecté aux arbres. Les forêts pourraient être transformées en centrales électriques. Les rizières pourraient produire de la nourriture et de l’électricité pour la population locale », a déclaré la créatrice, dont le rêve est que le monde végétal fasse partie de notre système énergétique : « Les autres sources renouvelables ne fonctionnent pas 24 heures sur 24. Le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas toujours. Les bactéries qui se nourrissent des plantes fournissent de l’énergie en continu et sans limites.

En Espagne, un projet de recherche pluridisciplinaire européen appelé WatchPlant et mené par la scientifique Laura García Carmona et l’ITE (Institut Technologique de l’Énergie) de Valence, prévoit de développer d’ici 2028 une technologie permettant d’obtenir de l’électricité à partir de la sève des plantes. Ce nouveau dispositif biohybride, ou biopile, servira initialement de capteur pour surveiller les environnements agricoles, mais il pourrait bientôt arriver dans les lieux de travail et les foyers en raison de son application dans la domotique. Les tests dans les villes espagnoles seront effectués à Séville et à Barcelone et des facteurs environnementaux tels que la pollution du trafic et la contamination par l’ozone seront évalués.

Produire de l’électricité et de l’eau potable

À l’échelle mondiale, les usines de traitement des eaux usées produisent 3 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre. Comment résoudre le manque d’eau et produire de l’énergie propre en même temps ? Une solution pourrait être la membrane multifonctionnelle EPM (abréviations en anglais de « Electricity Production and purification Membrane ») qu’un groupe de chercheurs du Korea Institute of Science and Technology (KIST) a inventée, capable de fournir de l’eau potable et de générer de l’énergie en continu, et propre, des eaux usées, marines ou souterraines. En laboratoire, ils ont produit de l’électricité pendant plus de trois heures avec seulement 0,10 millilitre d’eau. Ce système capture également plus de 95 % des plus petits polluants, tels que les microplastiques et les particules métalliques, et ne nécessite pas un gros investissement, car il peut être fabriqué à l’aide d’un simple procédé d’impression. Étant bon marché et efficace, il est facile de le commercialiser à grande échelle.

Des déchets à l’énergie

Seulement 1 % des déchets générés en Suède finissent dans des décharges. Les 99 % restants sont recyclés pour créer de l’électricité et de la chaleur. Les citoyens suédois séparent leurs déchets et les apportent à l’une des centrales WTE (Waste To Energy), qui fournissent de l’électricité à 250 000 foyers et en chauffent 800 000 au total. Ils y sont parvenus grâce à une conscience sociale et une loi qui oblige les fabricants à collecter et recycler leurs produits. Apparemment, la solution de ces centrales électriques est si efficace que leurs déchets ne suffisent pas et ils ont commencé à les importer d’autres pays.

« Bioéclairer » les villes, un autre défi

Dans ce contexte d’alternatives naturelles dans la création du futur tissu urbain, on retrouve également la bioluminescence pour illuminer les villes. Les Glowee français utilisent ce phénomène par lequel certains êtres vivants (comme les méduses, les poulpes, les vers, les champignons…) sont capables de s’éclairer dans le noir grâce à une protéine qu’ils ont dans leur corps appelée luciférine (qui veut dire « porteuse de lumière » en latin) pour créer leurs lampes.

Elles sont fabriquées à partir de tubes remplis d’eau de mer contenant une bactérie marine luminescente qui n’a besoin que de nutriments et d’oxygène pour déclencher la réaction chimique qui génère la lumière. Et comment s’éteignent-elles ? Il suffit de couper l’arrivée d’air. À Rambouillet, commune d’environ 25 000 habitants en périphérie parisienne, ils ont déjà installé ce système renouvelable, écologique et économique, l’un des premiers développements commerciaux de cette technologie.

 

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Et au MIT (Massachusetts Institute of Technology) du Royaume-Uni, ils ont déjà réussi à éclairer les arbres :

 

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Pouvons-nous faire pousser une ville ?

La biotechnologie et l’architecture pourront également transformer les maisons et les villes en êtres vivants qui améliorent le bien-être. Selon le Hub for Biotechnology in the Built Environment (HBBE), une initiative conjointe des universités de Newcastle et de Northumbria, il est possible de développer une ville grâce à des méthodes permettant d’exploiter le développement de micro-organismes, depuis l’échelle des gènes jusqu’à celle des bâtiments, avec de nouveaux procédés de biofabrication et les biomatériaux. Ils l’expliquent ainsi :

La prochaine frontière de la technologie de la construction pourrait être l’intégration des bâtiments eux-mêmes dans la nature. Ce serait des bâtiments qui poussent : le mycélium fongique, le système racinaire des champignons, le fait déjà et il y a un projet de mice-architecture de la NASA qui imagine même des habitats qui peuvent se régénérer sur d’autres planètes.

Nous aurions des bâtiments qui se cicatrisent par eux-mêmes : par exemple, avec le développement du ciment avec des spores bactériennes qui, au contact de l’eau qui pénètre par des fissures microscopiques, généreraient des cristaux de calcite qui se développeraient et les répareraient. Les bâtiments respireraient : au MIT aux États-Unis, ils étudient des membranes en latex recouvertes de spores bactériennes qui agissent comme des glandes sudoripares, permettant à l’air de circuler à travers les murs lorsque, par exemple, il y a beaucoup de vapeur provenant d’une douche ou d’une théière. Et les bâtiments auraient des systèmes immunitaires : des scientifiques londoniens créent des surfaces bioréceptives résistantes aux germes. Les cuisines du futur pourraient être aussi probiotiques que le yaourt du frigo.

Nos espaces finiront-ils par être des êtres vivants ? Comment voyez-vous cette irruption de la biotechnologie dans l’habitat ? Faites-nous part de vos impressions sur les réseaux sociaux via le hashtag #ConnectionsByFinsa.